- INDUS (fleuve)
- INDUS (fleuve)Grand fleuve de l’Asie du Sud, l’Indus, long de 2 880 kilomètres, comprend dans son bassin les «cinq rivières», d’où le nom de Punjab, l’une des régions les plus vivantes et les plus avancées économiquement du monde indien. L’Indus reçoit des eaux abondantes de son bassin supérieur, mais comme il coule vers des régions sèches avant de se jeter dans la mer d’Oman, le débit de son cours inférieur est nettement plus faible que celui d’autres fleuves de l’Asie des moussons. Cependant, la disposition de son cours lui donne un rôle très important, analogue à celui du Nil, puisque l’eau qu’il apporte à des régions semi-désertiques a permis la création de zones irriguées, plus étendues que celles de l’Égypte. Comme celle-là, le bassin de l’Indus a connu de très anciennes civilisations, autour de villes comme Mohenjo-daro.Le cours de l’IndusLe cours montagnard de l’Indus est très long. Le fleuve naît au-delà du Grand Himalaya, dans la bordure occidentale du Tibet. D’abord orientée de l’est - sud-est à l’ouest nord-ouest, sa vallée supérieure paraît suivre, comme celle du Brahmapoutre, une cicatrice de l’écorce terrestre, liée à la limite nord du système himalayen. Le fleuve longe la bordure nord de la chaîne du Ladakh, avant de passer entre l’Himalaya proprement dit et l’ensemble montagneux du Karakoram. Cette section est assez sèche, avec un climat steppique froid dans le fond de la vallée. Mais les hautes montagnes environnantes, notamment le Karakoram, reçoivent suffisamment de neige pour porter des glaciers importants.À Gilgit, un changement de direction se produit: la vallée suit un axe nord-est - sudouest à travers l’ensemble du système himalayen occidental. L’Indus coule en particulier autour du massif du Nanga Parbat. La gorge qu’il forme au pied de ces montagnes de plus de 8 000 mètres présente l’une des plus importantes dénivellations connues dans le monde. C’est à Attock que l’Indus sort de l’Himalaya.Le cours moyen est d’abord établi dans une région de piémont qui prolonge le Punjab vers l’ouest. Puis il s’étale dans une plaine alluviale bordée à l’ouest par les piémonts des rivières issues de montagnes du Baloutchistan, et à l’est par les sables du désert de Thar. Le fleuve franchit encore quelques chaînons montagneux, ou quelques barres rocheuses modestes, au niveau desquelles le lit est rétréci. Mais en général, il se présente comme un ensemble de chenaux anastomosés, de plusieurs kilomètres de large. La plaine est plus élevée dans la partie centrale, le long du fleuve. On y trouve de multiples levées alluviales: non seulement aux abords des chenaux actuels, mais aussi des sections de lit aujourd’hui abandonnées, notamment de nombreux méandres recoupés. À partir de cette région haute, de grands plans faiblement inclinés descendent vers l’est et l’ouest; les alluvions de l’Indus plongent d’un côté sous les cônes de piémont baloutches, de l’autre sous les dunes du Thar. Le delta commence à Hyderabad, à environ 180 kilomètres de la mer. Il comprend de vastes étendues de sables infertiles, et forme le cœur de la province du Sind. L’ancienne capitale du Pakistan, Karachi, se trouve sur la bordure occidentale de ce delta et reste le principal foyer économique du Pakistan occidental.Les affluents du Punjab sont de loin les plus importants; l’Indus ne reçoit en dehors d’eux que des cours d’eau à écoulement assez épisodique, exception faite de la rivière de Kaboul.Ils se réunissent avant le confluent en un court tronc unique, la Panjnad. D’ouest en est on rencontre successivement: la Jhelum, qui prend sa source loin à l’intérieur de la chaîne himalayenne et arrose la vallée du Cachemire; la Chenab, la Ravi et la Beas, qui naissent sur le flanc méridional des chaînes du Grand Himalaya; la Sutlej, qui, comme l’Indus, prend sa source au nord de l’axe principal de l’Himalaya et traverse celui-ci en une série de gorges impressionnantes, dont la dernière a été utilisée pour la construction du grand barrage de Bakhra.Le régimeLe régime est profondément marqué par l’origine himalayenne de l’Indus et des rivières du Punjab: les traits essentiels de l’écoulement sont acquis dès la sortie de la montagne; plus à l’aval, seul joue l’appauvrissement par suite de l’évaporation, de l’infiltration et des prélèvements pour l’irrigation.Pendant l’hiver, l’Himalaya du nord-ouest reçoit des précipitations assez abondantes que la chaîne accumule sous forme de neige et de glace. Toutefois, ces précipitations diminuent du nord-ouest vers le sud-est, si bien que l’apport nival et glaciaire est plus faible pour des cours d’eau comme la Sutlej et la Beas que pour l’Indus supérieur et la Ravi. L’apport principal est cependant constitué par les pluies de mousson, qui tombent ici de juillet à septembre, et diminuent, contrairement à celles de l’hiver, du sud-est au nord-ouest.Ces traits du climat expliquent que les plus basses eaux se situent en hiver: il pleut alors très peu sur les plaines, et les eaux précipitées sur les montagnes sont retenues, pour l’essentiel, sous forme solide. La montée des cours d’eau commence dès les mois de février et mars; les précipitations sont encore abondantes, elles ont une forme liquide, et la fonte des neiges commence localement. Mais le maximum se situe en été, pendant la mousson. Il a lieu en juillet sur la plupart des rivières, sauf sur la Jhelum, où la fonte des neiges donne un maximum en juin. La baisse des eaux est assez lente, et n’est vraiment très sensible qu’à partir d’octobre.Dans l’ensemble, le régime de l’Indus est régulier d’une année à l’autre. La fonte estivale des glaciers assure un minimum d’écoulement lors même que les pluies de mousson sont exceptionnellement faibles.Les crues les plus importantes se situent en été, et sont dues à des averses exceptionnelles sur des superficies restreintes du bassin; il est donc rare que toutes les rivières entrent en crue simultanément, ce qui évite en général les crues catastrophiques. Cependant, un type de crue particulier peut résulter, dans le cours supérieur, de la rupture de barrages naturels. Il arrive en effet que des glaciers du Karakoram connaissent des avancées exceptionnelles et viennent barrer une vallée; de grands éboulements rocheux peuvent avoir le même effet. Derrière ces obstructions, d’énormes lacs se forment et se vident brutalement par rupture du barrage au bout de quelques mois ou de quelques années. Les crues ainsi formées sont souvent désastreuses, bien que leurs effets se limitent le plus souvent aux régions faiblement peuplées des hautes vallées.Après la confluence avec la Panjnad, l’Indus ne reçoit guère d’affluent, et son débit diminue progressivement vers l’aval. Il est donc très différent du Gange, dont la partie aval est alimentée par d’abondantes pluies de mousson. Ainsi s’explique le débit du cours inférieur, assez faible pour un fleuve de cette dimension, et comportant une partie si importante de son bassin en région montagneuse. L’écoulement moyen à Sukkur est seulement de 6 500 mètres cubes environ par seconde, c’est-à-dire moins de la moitié de celui du Gange. La crue la plus forte observée à Sukkur a été de 25 000 mètres cubes par seconde.L’Indus est donc nettement marqué par le fait qu’il coule vers une région de climat sec: il réalise un apport d’eau considérable d’une région très arrosée vers un secteur désertique, où il a permis de constituer d’énormes surfaces irriguées.L’utilisation de l’Indus: l’irrigationL’irrigation à partir de l’Indus et des rivières de son bassin revêt des caractères différents dans les piémonts (Punjab et régions voisines) et sur le cours inférieur.Sur les piémonts, le climat est encore assez pluvieux en été pour qu’une culture non irriguée soit possible. Mais elle est aléatoire et n’intéresse que des plantes résistant à la sécheresse. Aussi, depuis très longtemps (on cite des ouvrages remontant au XIVe siècle), les populations ont-elles construit des canaux qui répandent les eaux des rivières sur de vastes superficies pendant les périodes de forte abondance de l’été. Au XIXe siècle ont été réalisés, d’une part, des canaux plus longs, avec des prises d’eau situées loin en amont, et, d’autre part, des barrages de dérivation qui, relevant de quelques mètres le niveau des rivières, permettent d’assurer une alimentation pérenne à un certain nombre de canaux, et donc d’arroser les cultures en hiver, c’est-à-dire en saison sèche. Une importante région agricole, qui produit surtout du blé, de la canne à sucre, fut ainsi constituée. Depuis 1950, une nouvelle phase de travaux a été menée à bien: de grands barrages-réservoirs, comme celui de Bakhra-Nangal en Inde (sur la Sutlej) et du barrage Jinnah sur l’Indus, près de Kalabagh au Pakistan, ont permis de régulariser les apports d’eau et d’étendre les régions irriguées, notamment en saison sèche.La plaine du cours inférieur, située tout entière au Pakistan occidental, a un climat tel que la culture y est impossible sans irrigation. Aussi a-t-on créé de véritables oasis, comparables à celles de l’Égypte ou de l’Asie centrale. Le grand barrage de Sukkur dérive les eaux de l’Indus vers un réseau de canaux, que vient relayer vers l’aval celui du Sind. Ces travaux, entrepris entre les deux guerres mondiales, ont été complétés ensuite. Ici, on a cherché à rendre les investissements rentables en développant principalement la culture du coton, plante bien adaptée au climat sec.Ce remarquable réseau d’irrigation a posé et pose encore de gros problèmes. Les problèmes politiques soulevés par le partage de l’Inde sont à peu près résolus. La plus grande partie du Punjab passée sous contrôle pakistanais était ravitaillée en eau à partir des ressources, assez faciles à mobiliser, des rivières les plus orientales, la Sutlej, la Beas, la Ravi, rivières dont le cours supérieur se trouve en république de l’Inde. Le gouvernement de celle-ci manifesta l’intention d’utiliser ces eaux sur son territoire. Il fallut de laborieuses négociations pour aboutir en 1960 au compromis du traité des eaux de l’Indus: les eaux des rivières orientales sont définitivement attribuées à l’Inde, celles de l’Indus et de la Jhelum au Pakistan. Pendant une période de dix ans, jusqu’en 1970, l’Inde devait continuer à fournir de l’eau au Pakistan; celui-ci a mis ce délai à profit pour construire une série d’ouvrages sur l’Indus et la Jhelum, afin d’amener leurs eaux, d’ailleurs abondantes, vers les secteurs autrefois irrigués à partir des rivières orientales. Les investissements nécessaires furent fournis par la Banque mondiale pour la reconstruction et le développement et par la république de l’Inde. Malgré les rapports difficiles entre les deux pays, le traité a été respecté et les travaux ont finalement abouti à l’amélioration du réseau et à la mobilisation d’un important potentiel de production d’énergie hydro-électrique.Il reste cependant un problème technique très grave, qui revêt même des aspects dramatiques par l’ampleur qu’il prend au Pakistan. En effet, les eaux des canaux sont légèrement salées, et, en période de forte évaporation, ce sel tend à s’accumuler à la surface. Et surtout, des années d’irrigation avec un drainage insuffisant ont amené une remontée des nappes phréatiques, dont certaines sont fortement salées. Des centaines de milliers d’hectares, mis en valeur à grands frais, sont ainsi menacés de devenir impropres à la culture. Un plan de creusement de plusieurs centaines de puits tubés, munis de pompes à moteur, a été mis en œuvre. Mais la tâche est longue et onéreuse, et l’efficacité même du plan a été discutée par certains experts.
Encyclopédie Universelle. 2012.